Mariage sans contrat : Le régime légal

Le régime légal est celui qui s’applique si les époux n’ont pas fait de contrat de mariage.

Ainsi, en l’absence de contrat, la loi estime que les époux sont sur le régime dit « de la communauté des biens réduite aux acquêts ».

Ce cadre concerne donc les biens des deux époux. Il s’agit ici de savoir lesquels sont personnels (on parle de la « masse propre ») et lesquels appartiennent au couple (on parle de la « masse commune »).

Les biens communs du couple dans le régime légal sans contrat de mariage

En principe, les biens et revenus acquis pendant le mariage sont réputés communs au couple 1article 1401 du Code civil.

Ainsi, tout ce que l’un des époux achète pendant le mariage appartient également à son conjoint.

Sont également considérés comme biens communs les salaires de chacun ainsi que tout ce qui s’y rattache (indemnités chômage, retraite etc …). Attention cependant : bien que les salaires soient considérés comme communs, chaque conjoint est libre de l’utiliser comme bon lui semble, comme précisé dans le régime primaire.

Les revenus des biens propres sont aussi considérés comme communs. Par exemple, si l’un des époux possède un appartement qu’il met en location, les revenus générés par celui-ci sont communs aux deux époux. Et cela, même si l’appartement est la propriété personnelle de l’un des conjoints.

Les biens antérieurs au mariage

Tous les biens que les époux possédaient avant le mariage restent propres 2article 1405 du code civil.

C’est-à-dire que si l’un des conjoints avait des biens (biens immobiliers, meubles etc) avant le mariage, ceux-ci restent sa propriété personnelle et exclusive. Il peut donc les utiliser comme il le souhaite (vendre, donner etc) sans demander l’avis de son conjoint.

Les biens donnés ou légués

Dans la continuité de l’article 1405, les biens donnés ou légués sont également la propriété personnelle de l’époux qui les reçoit. Ainsi, son conjoint ne pourra pas intervenir sur ces biens ni s’opposer à tout acte les concernant (vente, location etc).

Il est néanmoins possible que ces biens appartiennent à la communauté si cela découle de la volonté expresse du donateur.

En effet, la personne qui lègue un bien à l’un des conjoints peut spécifier qu’il le fait pour le couple entier. Pour cela, il doit l’indiquer sur son testament ou dans l’acte de donation. Dans cette situation, les biens ainsi acquis, appartiennent au deux époux conjointement. Ils deviennent des biens communs au couple.

Les biens propres par nature

Certains biens sont considérés comme des biens propres même s’ils ont été acquis pendant le mariage. Il peut s’agir des vêtements, des actions en réparation d’un dommage corporel ou moral etc3article 1404 du Code civil.

En général, ce sont tous les biens qui ont un rapport étroit avec la personne. En effet, quoi de plus personnel que des vêtements.
Entrent aussi dans cette catégorie les instruments de travail nécessaires à la profession de l’un des époux. On peut citer comme exemple des pinceaux pour un peintre, qui sont nécessaires à sa profession.

Les biens propres par accessoire

La loi indique que tout ce qui est acquis à titre d’accessoire d’un bien propre est également un bien propre4article 1406 alinéa 1 du Code civil. Les accessoires définissent tout ce qui se rattache à un bien.

Par exemple, un bâtiment construit sur le terrain appartenant à l’un des époux est considéré comme propre au même titre que ce terrain.

Ainsi, selon cette disposition, tout ce qui s’ajoute à un bien propre reste propre. Par exemple, des câbles posés dans un immeubles appartiennent au propriétaire de l’immeuble.

Les parts indivises d’un bien propre

Si l’un des époux détient en propre des parts indivises d’un bien et qu’il rachète les autres parts pour en être le seul propriétaire, ce bien devient sa propriété propre5article 1408 du Code civil .

Cela vaut même s’il a racheté les parts avec de l’argent commun au couple. Il devra néanmoins une compensation financière, appelée « récompense », en cas de dissolution de la communauté (divorce).

Les biens propres par subrogation (le remplacement d’un bien par un autre)

Dans le principe, la subrogation est le fait de remplacer une chose par une autre. Ainsi, si un bien propre est remplacé par un autre bien, ce bien de remplacement sera également un bien propre.

Par exemple, si un bien appartenant à l’un des époux est détruit, les indemnités d’assurance reçues en compensation lui appartiendront personnellement. C’est ce que l’on appelle la « subrogation automatique ».

La subrogation volontaire

Il est également possible de faire appel à une subrogation volontaire. C’est à dire que l’on va volontairement utiliser un bien afin d’en acquérir un autre. Pour cela, on utilise la technique du remploi.

Ainsi, si l’un des époux vend l’un de ses biens pour en acheter un autre, le bien nouvellement acquis sera un propre.

Il convient néanmoins de respecter quelques règles formelles :

  1. Il faut déclarer le fait que l’acquisition a bien été achetée grâce aux fonds propres6article 1434 du Code civil. Ainsi, il faut expliciter clairement sa volonté d’utiliser de l’argent issu de la vente d’un bien personnel. A défaut, le bien acheté par le couple sera considéré comme commun.
  2. Il est également possible de déclarer le remploi a posteriori avec l’accord des époux.
  3. Un remploi peut l’être par anticipation : il est possible de rembourser la communauté (i.e le couple) grâce à des fonds propres dans les 5 années consécutives à l’achat du bien (celui-ci étant à l’origine acheté en commun). Le bien sera alors considéré comme commun entre l’acquisition et le remboursement7article 1435 du Code civil.
  4. Et enfin, il convient d’évoquer la situation de remploi partiel. Ici, la somme récupérée par la vente d’un bien propre ne suffit pas à payer l’intégralité le nouveau bien (mais permet tout de même de prendre en charge plus de 50% du prix ; en dessous de ce seuil, le bien appartiendra à la communauté). Dans ce cas, le bien est tout de même considéré comme propre, mais l’époux propriétaire devra une récompense à hauteur de l’excédent. C’est-à-dire qu’en cas de divorce, l’époux propriétaire devra payer la somme prise en charge par le couple pour rester propriétaire du bien8article 1436 du Code civil.

Nécessité de la preuve de propriété

Attention, il est important de préciser que pour qu’un bien soit considéré comme propre, l’époux détenteur doit prouver qu’il en est bien propriétaire9article 1402 du Code civil.

Cette preuve peut être faite par tous moyens (facture, acte notarié, relevé de compte bancaire etc). À défaut de preuves, les biens sont considérés commun.

Les dettes propres aux époux.

En principe, si l’un des époux a une dette sur l’un de ses biens propres, la dette lui est propre également. Son conjoint n’a aucune obligation légale qui le forcerait à rembourser une dette personnelle.

Cependant, il est utile d’apporter quelques précisions.Tout d’abord, le créancier peut saisir un bien devenu commun si celui-ci a été confondu dans le patrimoine de la communauté. Cela arrive, par exemple, lorsque le propriétaire du bien n’a pas pu apporter de preuve comme vu plus haut.

Les créanciers peuvent également saisir les revenus (gains et salaires) de leur débiteur (et uniquement les siens), bien que ceux-ci soient considérés comme des biens communs.

Les dettes communes

Si les époux contractent des dettes pendant le mariage, la communauté est considérée comme responsable de la dette. Ainsi un créancier pourra très bien saisir un bien commun dans le cas d’une dette contractée pendant le mariage10article 1403 du Code civil.

Il faut néanmoins faire le distinction entre plusieurs types de dettes :

  1. Lors d’un engagement dit solidaire, c’est-à-dire pour tout ce qui concerne les dettes du ménage. Le créancier pourra agir sur l’ensemble des biens du ménage (communs ou propres). Ces dettes sont à titre définitif : il ne pourra pas y avoir de remboursement en cas de séparation.
  2. Si les époux sont conjointement engagés ; c’est le cas d’un achat commun qui n’est pas considéré comme nécessaire à la famille. Dans ce cas, le créancier peut se faire payer sur la totalité des biens communs mais ne peut utiliser les biens propres de chacun des époux que pour rembourser la moitié de la dette.

Attention : même si un créancier peut saisir un bien commun cela ne signifie pas forcément que chacun des époux participe de façon égale à la dette. Ainsi, en cas de séparation, l’un des époux peut être débiteur de l’autre si des biens communs ont été saisis. Il devra donc rembourser la différence à son ex-conjoint (c’est ce que l’on nomme la contribution à la dette).

Cas où l’époux n’est pas contraint à la dette

Il existe des cas où l’un des époux n’est pas tenu responsable des dettes de son conjoint. C’est le cas notamment en présence de fraude ou de mauvaise foi avérée.

La loi indique également que les gains et salaires d’un époux ne peuvent pas être saisis par les créanciers de son conjoint11article 1414 du Code civil. La seule exception concerne les dettes contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants (comme indiqué dans le régime primaire).

Si jamais l’un des époux contracte un emprunt ou utilise un bien comme garantie, il ne peut engager que ses biens propres 12article 1415 du Code civil, à moins que son conjoint n’ait donné sont accord de façon explicite. Bien entendu, si les époux s’engagent tous les deux à la garantie d’une même dette, la communauté entière est engagée.

Pouvoirs des époux sur les biens du couple

La gestion des biens propres

Chaque époux a la gestion exclusive de ses biens propres. Ainsi, aucun des époux ne peut agir sur les biens personnels de son conjoint 13article 1428 du Code civil.

Chacun est donc libre d’utiliser ses biens comme bon lui semble. Il n’est pas possible pour l’autre conjoint d’imposer quoi que ce soit.

La gestion des biens communs

La gestion concurrente

On appelle gestion concurrente la situation dans laquelle les époux peuvent gérer seuls un bien commun.

En principe, chacun des époux est réputé pouvoir gérer seul les biens du couple14article 1421 du Code civil. Ainsi, l’un des époux n’a pas besoin d’avoir la signature de son conjoint pour vendre un meuble par exemple.

Il existe néanmoins quelques exceptions à cette règle :

  1. En cas de faute de gestion. Si l’un des époux a commis une faute de gestion avec un bien commun, l’acte peut être annulé.
  2. En cas de fraude. Si l’un des actes passés par un époux fraude les droits de l’autre, alors cet acte ne lui est pas opposable.

La gestion conjointe

Il y a malgré tout une limite à la gestion concurrente. C’est lorsque certains actes sont trop importants pour être passés sans l’accord des deux époux15article 1424 du Code civil.

Cela concerne les biens de grande valeur, tels que les biens immobiliers où certains meubles. Ainsi, l’un des époux ne peut pas vendre un bien immobilier commun sans l’accord de l’autre. Il peut néanmoins le louer si le bien n’est pas à usage commercial.

Un époux ne peut également pas donner l’un des biens de la communauté. Il n’est donc pas possible pour l’un des époux de donner des biens aux enfants sans le consentement de l’autre.

Si jamais l’un des époux ne respecte pas ce principe, l’acte peut être annulé. Cette annulation doit être demandée dans les deux ans suivant la connaissance de l’acte.

La gestion exclusive

Dans certains cas, seul l’un des époux peut agir sur un bien commun. C’est le principe de la gestion exclusive.

L’illustration la plus parlante est la gestion des salaires qui, bien que considérés comme des biens communs, sont sous la gestion exclusive de celui qui les a gagnés (comme indiqué dans le régime primaire).

On trouve également les actes nécessaires à l’exercice d’une profession séparée. Ainsi, si l’un des époux a besoin d’accomplir un acte en raison de sa profession, il est censé pouvoir le faire exclusivement seul.

La gestion en temps de crise

Il peut arriver que l’un des époux soit en incapacité de gérer convenablement les biens.

Dans ce cas, l’autre conjoint peut demander au juge à lui être substitué dans l’exercice de ses pouvoirs16article 1426 du Code civil. Il en résulte qu’il pourra agir entièrement à la place de son époux, et ce même sur des biens en gestion exclusive.

Il est également possible de demander au juge de dessaisir l’un des époux de ses droits. Ainsi, le conjoint demandeur pourra administrer les biens sans l’accord de l’autre. Par contre, contrairement à la substitution, il ne pourra réaliser que des actes d’administrations et devra affecter les revenus des biens propres qu’il gère aux besoins du ménage. Cela arrive surtout lorsque l’un des conjoints met en péril les intérêts de la famille.

La fin du mariage dans le régime légal en l’absence de contrat de mariage

Plusieurs causes peuvent être invoquées pour mettre fin au mariage :

Le divorce. Le divorce met fin à la communauté légale, qu’il soit fait par consentement mutuel ou bien de manière judiciaire. Dans le premier cas, le mariage prend fin au moment où la convention de divorce est déposée au rang des minutes du notaire. Dans le deuxième, l’union se termine à la date de l’homologation de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce.

La mort de l’un des époux. La preuve du décès de l’un des époux met fin automatiquement à l’existence du mariage.

L’absence déclarée. L’absent étant présumé vivant, la communauté de mariage n’est pas dissoute. Néanmoins, si un jugement constate la présomption d’absence de l’un des époux, il sera possible pour le conjoint restant de dissoudre la communauté dix ans après. Ce délai est de vingt ans s’il n’y a pas eu de constatation judiciaire. Passé ce délai, le retour de l’absent serait sans incidence sur la fin du mariage.

La séparation des corps. Cela ne met pas fin à proprement parler au mariage, mais change le régime matrimonial pour celui de la séparation des biens. C’est une rupture de la communauté. Ainsi, les biens suivront la même règle que pour le divorce. Cependant, il est possible de reprendre volontairement une vie commune en cas de réconciliation des époux. Ils doivent alors suivre une procédure de changement conventionnel de régime matrimonial.

Le changement de régime matrimonial. Il résulte de la volonté des époux.Toutefois, le changement partiel du régime matrimonial n’entraîne jamais la dissolution de la communauté.

Liquidation de la communauté et partage des biens

Lorsque le mariage prend fin, la communauté cesse d’exister. Il va donc falloir entreprendre le partage des biens communs.

Tout d’abord, il s’agit d’établir ce qui fait partie de la masse propre et ce qui fait partie de la masse commune des époux. On détermine ici quels biens sont personnels aux époux et lesquels sont communs, les biens propres étant bien évidemment restitués à leur propriétaire.

Une fois cette étape réalisée, il convient de régler ce que les époux se doivent entre eux.

Le principe des récompenses

Lorsqu’une personne s’enrichit grâce au patrimoine commun au couple, elle doit une récompense à celui-ci17article 1437 du Code civil. Inversement, si la communauté s’est enrichie aux dépens du patrimoine personnel de l’un des époux, elle lui doit récompense18article 1433 du Code civil.

Par exemple : si un bien commun a été acheté en partie avec des fonds propres, la communauté devra rembourser l’époux ayant payé avec son argent personnel. À l’inverse, si la communauté a payé les amendes pénales de l’un des époux ; ou si l’un des époux a payé des dettes personnelles avec l’argent commun, c’est lui qui devra rembourser la communauté.

Le calcul des récompenses

Si l’un des époux s’est enrichi en propre grâce à la communauté ou inversement, la récompense prendra en compte cet enrichissement. Ainsi, la loi indique que la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant19article 1469 al.1 du Code civil.

Pour estimer le produit subsistant, il faut prendre en compte la plus-value du bien acquise grâce à la dette. Par exemple, Monsieur X utilise de l’argent commun à hauteur de 20 000 euros pour faire des travaux dans un appartement qui lui est propre. L’immeuble de Monsieur X, qui valait 190 000 euros sans ces travaux, en vaut désormais 200 000 grâce à eux. Le profit subsistant s’élève donc à 10 000 euros. Ainsi, en accord avec l’article 1469 du Code civil, monsieur X devra rembourser 10 000 euros à la communauté, cette somme étant la moins élevée entre la dépense réalisée et le profit subsistant. Si le bien avait été évalué à 220 000 euros après travaux, il aurait dû rembourser 20 000 euros, soit le montant de la dépense (le profit subsistant étant ici de 30 000 euros).

En pratique, cette disposition légale est assez peu utilisée telle quelle car il existe beaucoup d’exceptions.Exemple : s’il s’agit d’une dépense indispensable, la récompense ne peut être inférieure à la dépense faite.

Le calcul des récompenses est un sujet assez vaste et complexe qui demande beaucoup de précisions. Les développer ici outrepasserait le simple sujet du contrat de mariage.

Le partage final de la communauté

Une fois les biens propres récupérés et les récompenses appliquées, il reste le partage des biens communs. En cas de divorce, ce qui reste de bien commun est partagé par moitié entre les époux20article1475 du Code civil.

S’il s’agit d’un décès, le partage final suivra les règles de l’héritage21article 1476, alinéa 1er du Code civil.

Pour ce qui est des dettes, chacun des époux doit supporter la moitié des dettes communes22article 1483 du Code civil.

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